| J’ai eu tort, je suis revenue
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| Dans cette ville, au loin, perdue où j’avais passé mon enfance.
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| J’ai eu tort, j’ai voulu revoir,
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| Le coteau où glisse le soir, bleu et gris, ombre de silence
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| Et j’ai retrouvé, comme avant, longtemps après
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| Le coteau, l’arbre se dressant, comme au passé.
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| J’ai marché, les tempes brûlantes, croyant étouffer sous mes pas
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| Les voix du passé qui nous hantent et reviennent sonner le glas
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| Et je me suis couchée sous l’arbre, et c'était les mêmes odeurs
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| Et j’ai laissé couler mes pleurs, mes pleurs…
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| J’ai mis mon dos nu à l'écorce
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| L’arbre m’a redonné des forces, tout comme au temps de mon enfance
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| Et longtemps, j’ai fermé les yeux
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| Je crois que j’ai prié un peu, je retrouvais mon innocence.
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| Avant que le soir ne se pose, j’ai voulu voir
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| La maison fleurie sous les roses, j’ai voulu voir
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| Le jardin où nos cris d’enfants jaillissaient comme sources claires.
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| Jean, Claude et Régine et puis Jean, tout redevenait comme hier.
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| Le parfum lourd des sauges rouges, les dahlias fauves dans l’allée.
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| Le puits, tout, j’ai retrouvé, hélas…
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| La guerre nous avait jetés là
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| D’autres furent moins heureux, je crois, au temps joli de leur enfance
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| La guerre nous avait jetés là
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| Nous vivions comme hors-la-loi et j’aimais cela, quand j’y pense.
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| Oh ! |
| Mes printemps, oh ! |
| Mes soleils, oh ! |
| Mes folles années perdues
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| Oh ! |
| Mes quinze ans, oh ! |
| Mes merveilles, que j’ai mal d'être revenue
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| Oh ! |
| Les noix fraîches de Septembre et l’odeur des mûres écrasées.
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| C’est fou, tout, j’ai tout retrouvé, hélas…
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| Ils ne faut jamais revenir
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| Au temps caché des souvenirs, du temps béni de son enfance
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| Car parmi tous les souvenirs
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| Ceux de l’enfance sont les pires, ceux de l’enfance nous déchirent.
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| Vous, ma très chérie, ô ma mère, où êtes-vous donc, aujourd’hui?
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| Vous dormez au chaud de la terre et moi, je suis venue ici
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| Pour y retrouver votre rire, vos colères et votre jeunesse
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| Mais je suis seule avec ma détresse, hélas…
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| Pourquoi suis-je donc revenue et seule, au détour de ses rues?
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| J’ai froid, j’ai peur, le soir se penche, pourquoi suis-je venue ici
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| Où mon passé me crucifie? |
| Elle dort à jamais, mon enfance… |