| Vu qu’on se perd à vivre dans le passé
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| À regarder la vie nous dépasser
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| Pour peu de choses, on se sent dépossédé
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| Entre guillemets, entre les lignes
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| Ceux qui m’appellent «frère» sont des étrangers
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| Ils portent le même nom mais pas les mêmes traits
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| Vu de près, le portrait est gâché
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| Entre parenthèses, entre les lignes
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| Arrivé avec les giboulées, juste un pied foulé
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| Et mes repaires sont chamboulés
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| Regard embué derrière ces vitres
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| Je ne suis pas chez moi mais juste en transit
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| Ils m’ont accepté sans trop de grogne
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| Comme si j’avais été amené par les cigognes
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| Mais de but en blanc, j’ai fait semblant
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| Pour éviter ces regards accablants, donc
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| Bambin, tous étrangers quelque part
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| Chez nous nulle part
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| Faut bien que je passe ma route
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| Passe entre les gouttes
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| J’ai du mal à me familiariser avec ma famille d’emprunt
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| J’ai du mal avec les familiarités de leur nouveau conjoint
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| Vu qu’ils m’aiment sans fard
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| Leur affection me désempare, me laisse à part
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| On s’est quitté sans se dire adieu
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| Et embrassé juste avec les yeux
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| Sans se promettre, sans faire de vœux
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| À demi-mot, entre les lignes
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| Mais sans repères, si on devient rugueux
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| Mais sans modèle les liens sont défectueux
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| Et la mémoire est mon bien le plus précieux
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| Jusqu'à ce point, entre les lignes
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| Ils m’ont dit «laisse ces soucis dans le cagibi»
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| On rêve tous d’un père à la Bill Cosby
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| Tu sais aussi qu’on ne choisit pas sa famille
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| Qu’on soit d’ici ou de Kigali
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| Chez nous, on s’appelle frère, cousin et oncle
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| Pour des raisons quelconques, tradition à la con
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| Ils ont eu peur d’y aller contre, peur que l’on s’affronte
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| Peur de porter le masque de la honte
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| Bambin, tous étrangers quelque part
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| Chez nous nulle part
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| Faut bien que je passe ma route
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| Passe entre les gouttes
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| Retrouver de son pays dans le regard d’un inconnu
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| Se retrouver comme chez soi au hasard d’une avenue
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| Cacher sa personnalité derrière un caractère
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| Même si les coups reçus sont involontaires
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| Mon père essaye de me faire accepter le choc
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| Mais il ne parle qu’avec ses mains comme un ventriloque
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| Et chaque porte qui claque, clinche qui grince
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| Me rappelle comme il rince sa colère dès que ça coince
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| Avec mes frères, enfance solitaire à jouer au malade imaginaire
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| Mais je fais semblant de ne pas entendre leurs consignes
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| Rester en marge pour lire entre les lignes
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| Bambin, tous étrangers quelque part
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| Chez nous nulle part
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| Faut bien que je passe ma route
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| Passe entre les gouttes |