| Ca faisait presque une demi-heure qu’il était seul maintenant
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| Ses potes étaient rentrés chez eux et lui était resté assis sur ce banc
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| Il fumait sa dernière cigarette et le soleil s'était couché depuis longtemps
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| Il salua au loin un mec qu’il ne connaissait pas vraiment
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| Et se demanda ou est-ce que ce type pouvait bien aller si tard
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| Lui-même s'était levé tôt, vers 14 heures
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| Et au PMU avait joué au billard
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| Avec des gars qu'étaient plus jeunes que lui de plusieurs années
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| Comme il fut une gloire il n’y a pas si longtemps
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| Nombreux tiraient encore une certaine fierté d'être vus à ses côtés
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| Ce qu’il avait bu et fumé entre 15 heures et 18 heures aurait mis K.
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| O n’importe qui
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| Mais lui était toujours frais et pimpant
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| Question d’habitude et peut-être de génération
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| C’est ce qu’il s’est dit en tout cas quand deux gamins de sa bande improvisée
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| Vomirent presque simultanément juste en-dessous de la télé que personne ne
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| regardait
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| Il quitta le PMU, seul, et s’abrita bientôt sous un abri-bus
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| Parce qu’il se mit à pleuvoir pendant qu’il marchait, en plus
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| Septième étage de la tour en forme de demi-lune
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| Appartement de gauche en face du vieux vide-ordure
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| Un vieux couple d’origine malgache regarde les infos sur le câble
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| Côte à côte, enfoncé dans un épais canapé beige
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| Leurs fils cadet maintenant en prison leur avait offert ce téléviseur volé
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| Ce qui les rendait à leur insu coupables de recel
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| Le voisin célibataire et efféminé de l'étage du dessous
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| Donnait régulièrement des coups sur le mur de son salon, attenant à
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| l’appartement d'à côté
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| Parce qu’une furieuse rumba-rock congolaise depuis plusieurs minutes rugissait
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| Il (notre personnage principal) était revenu dans cette fête africaine dans sa
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| chambre d’enfant
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| Ses parents n’avaient pas demandé d’explications, il allait rester
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| temporairement
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| Il était allongé sur un lit étroit et regardait le plafond
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| Ses vêtements étaient encore un peu mouillés et lui cuvait difficilement
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| Il savait comment faire depuis longtemps pour ne penser à rien
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| Il se disait avec d’autres mots que philosopher
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| Donc avoir une réflexion morale dans ce monde, cela faisait plus de mal que de
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| bien
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| Alors il s’abstenait quant au cogito mais se pétait le crâne à l’artificiel
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| Et utilisait toujours la même recette: beuh, shit, whisky et/ou Heineken
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| Il se leva du lit, se jeta au sol et fit quelques pompes
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| IL s’essouffla vite mais avait donc la preuve de ne pas être dans une tombe
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| Il imputa cette croyance à l’oxygène qu’il respirait difficilement
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| Vu que ce réflexe était l’apanage des vivants
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| Il se réinstalla dans son lit et s’endormit sans remords et sans transition
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| Comme d’habitude il se réveilla quelques heures après, amer
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| Se rendant toujours compte en regardant autour que sa déchéance était réelle
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| Il n'était définitivement plus une star du rap
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| Plus une star tout court si l’on voulait être exact
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| Mais il était vivant et même s’il se tuait sciemment c'était devenu une
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| obsession
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| Ses souvenirs de gloire étaient momentanées
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| Comme d’habitude, lorsqu’il savait qu’il lui restait de quoi fumer
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| Il écouta autour de lui, la nuit était profonde
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| Il roula un joint et, dès la première bouffée, eut le même sourire que la
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| Joconde
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| Joint à la bouche, il enfila son blouson, ses vielles Nike Air Jordan
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| Ferma la porte de l’appartement et dévala d’abord les escaliers, puis la rue
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| Comme. |
| comme. |
| comme s’il était. |
| en cavale
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| Il avait couru jusque de l’autre côté du périphérique
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| Et s’arrêta brusquement plié en deux par l’anxiogène qui lui brûlait la poitrine
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| Il était à présent entre les numéros 42 et 54 de la rue de Clignancourt
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| A égale distance de la peur du lendemain et des cicatrices que laissent l’amour
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| Il ne savait pas qu’ici se dressa un jour un grand édifice de briques rouges
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| Au centre d’un grand et beau parc, qui n’existe plus, à la luxuriante verdure
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| Trônait il y a une paire de siècles et des poussières cette bâtisse couleur
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| pourpre
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| Comme un symbole pensé par l’homme de tout ce qui à la fois s’oppose et s'épouse
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| Lui, n’en avait rien à battre, vivait le temps et l’espace comme une injure |
| Jusque très récemment il s'était vécu un peu comme en Amérique
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| Mais à l'époque ou Malcolm Little était encore bien loin d'être Malcolm X
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| Il jouait en National mais c'était convaincu qu’il évoluait en première league
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| Parce que dire la vérité était à celui qui savait le mieux se mentir
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| Et puis
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| Les gens ne t’aiment pas c’est l’image qu’ils te renvoient
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| Tu finis par ne plus t’aimer toi-même
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| Et tu détestes même tous ceux qui ont un peu d’amour pour eux-mêmes
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| Donner existence aux fantasmes les plus dingues
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| Faire porter à nos colères adolescentes de drôles de fringues
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| Crier au complot parce qu’on n’achète plus nos complaintes
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| C’est l’incohérence qu’a finalement porté plainte
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| Et puis. |
| et puis
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| Des fois c’est de toutes petites choses qu’ont vraiment de l’importance
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| Y-a juste à se souvenir de la simplicité de notre enfance
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| Se voir dans une glace dans le HLM de ses parents
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| Et se rendre compte qu’on est vieux
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| Quand un type qu’a pourtant une barbe nous appelle Monsieur
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| Se noyer dans l’envie et crier «c'est injuste» comme «au secours»
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| Regarder aux alentours et se demander qui pourrait sauver l’Amour
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| Faire de la musique pour préserver ses rêves
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| Mais que faire quand tous nos rêves ont fini par se taire
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| Se souvenir d ses vies antérieures en s’imaginant notre futur
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| Confondre la normalité avec la pire des injures
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| Se. |
| se rendre compte qu’on apprend toujours trop peu de l’Histoire
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| Le coeur affamé vidé d’un trop plein de désespoir
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| Et puis
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| Les gens ne t’aiment pas tu finis par ne plus t’aimer toi-même
|
| Et tu détestes mêmes ceux qu’ont un peu d’amour pour eux-mêmes
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| Soudain il reprit sa course sans pourquoi, sans direction
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| Courir plus vite que la vie, quitte à en perdre la raison…
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| Ca faisait presque une demi-heure qu’il était seul maintenant
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| Ses potes étaient rentrés chez eux et lui était resté assis sur ce banc
|
| Il fumait sa dernière cigarette et le soleil s'était couché depuis longtemps
|
| Il salua au loin un mec qu’il ne connaissait pas vraiment
|
| Et se demanda ou est-ce que ce type pouvait bien aller si tard
|
| Lui-même s'était levé tôt, vers 14 heures
|
| Et au PMU avait joué au billard
|
| Avec des gars qu'étaient plus jeunes que lui de plusieurs années
|
| Comme il fut une gloire il n’y a pas si longtemps
|
| Nombreux tiraient encore une certaine fierté d'être vus à ses côtés
|
| Ce qu’il avait bu et fumé entre 15 heures et 18 heures aurait mis K.
|
| O n’importe qui
|
| Mais lui était toujours frais et pimpant
|
| Question d’habitude et peut-être de génération
|
| C’est ce qu’il s’est dit en tout cas quand deux gamins de sa bande improvisée
|
| Vomirent presque simultanément juste en-dessous de la télé que personne ne
|
| regardait
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| Il quitta le PMU, seul, et s’abrita bientôt sous un abri-bus
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| Parce qu’il se mit à pleuvoir pendant qu’il marchait, en plus
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| Vous savez, je m’attends chaque jour à partir
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| Mais je ne m’attendais pas ce soir-là à mourir
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| Contrairement à ce que l’on dit, ce ne sont pas des images mais des mots qui
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| ont défilés dans ma tête au moment de ma mort
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| Je partais, mais je n'étais pas triste, d’ailleurs je ne comprenais déjà plus
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| ce mot. |
| Personne. |
| oui personne n’allait me manquer. |
| Il y a une évidence dans la
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| mort comme lorsqu’on vient au monde, je suppose. |
| C’est juste qu’a présent
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| c'était fini, bel et bien fini, il n’y avait rien de poignant là-dedans.
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| Et puis ma famille. |
| oui, ma famille et puis tout ceux que j’appelais amis,
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| et puis ceux que j’avais croisé et ceux que je ne connaissais pas.
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| et puis les gens autour de moi. |
| ah oui, il n’y a plus personne! |
| Ce n’est même
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| pas douloureux, je ne les vois déjà plus, je ne vois déjà plus. |
| Je tourne la
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| page, mon coeur est un château, une citadelle imprenable, je. |
| je tourne la page,
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| mon coeur est un château, une citadelle, une citadelle, une citadelle
|
| imprenable
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| Paroles rédigées et annotées par la communauté française de Rap Genius |